Histoire
des
Freysselinard
Le nom de Freysselinard, pourtant porté par plusieurs familles au début du siècle, ne l’est plus aujourd’hui que par quelques personnes.
Nous avons de nombreux cousins en Argentine depuis l’arrivée de Louis Freysselinard à Buenos Aires en 1887. Ils sont une vingtaine à pouvoir transmettre le nom alors que je suis le seul en France. Ce papier a été donc rédigé à la fois pour la famille française et pour nos cousins argentins, en espagnol.
En France, à part notre famille, on trouve à Paris Simone Freysselinard (née Ribet), née en 1920, veuve d’un Pierre Freysselinard, qui avait trois frères, et sa fille Catherine, née en 1951, qui habite au Canada et a deux enfants (cette homonymie avec mon père conduisit d’ailleurs à des quiproquos : un jour, M. et Mme Pierre Freysselinard allèrent déjeuner dans un restaurant de Grenoble et le serveur, connaissant notre famille, les prit pour des imposteurs). Il y a quelques années vivait aussi à Paris Madame Mohler, âgée d’environ 80 ans, née Freysselinard, et qui a une descendance Mohler. Vit aussi à Corbeil-Essonnes Claudine veuve de Paul Freysselinard.
1. A la recherche des origines du nom
A Beaubourg, il y a quelques années, un ordinateur centralisant tous les annuaires téléphoniques donnait la répartition par régions des patronymes : 69 Freysse, surtout dans l’Est, 1870 Fraysse surtout dans le Sud, 651 Linard dans le Nord, 17 Freysseline dans le Limousin (un Freysseline a inventé le béton précontraint), mais aucun Freysselinard (l’ordinateur ne donnait pas de réponse quand il y en avait moins de dix), ni Fraysselinard, ni Freysselinart, ni Freysselinas, ni Freysselinars, ni Freysselinasse, ni Freysselina, ni Freysselin, ni Fraysselin, ni Freysseli. L’ordinateur recensait par ailleurs 20 Freycinet, principalement à l’Est de Paris, vers la Haute-Marne.
Ainsi, Jean Vinatier ( [1] ) cite dans son article un Louis Freysseline qui, en 1844, construit un mur autour du presbytère pour 75 francs.
Le nom de Freysselinard fait partie des 400 000 noms, soit plus de la moitié, qui avaient moins de dix occurrences par les 18 millions d’abonnés au téléphone en 1987 lors de l’exposition ; 312 000 noms ne comptaient que cinq titulaires.
Les premiers noms gallo-romains ont disparu et les Germains ont installé l’usage du prénom. Les patronymes tels que nous les connaissons sont ensuite apparus au IXe siècle.
A la recherche de l’origine de notre nom, je me suis lancé dans des recherches généalogiques dans les années 80. Sur l’indication de mon grand-père, Jean Freysselinard, que la généalogie n’a d’ailleurs jamais passionné, je me suis rendu une demi-journée, sur la route de l’Espagne, à l’été 1985, à Objat, où Léon Freysselinard avait épousé Angèle Buffière (ce nom se trouve dès les premiers actes vers 1680), mes arrière-grands-parents, et où les Buffière possèdent encore la grande maison près de l’église, qu’ils avaient achetée au XIXe siècle, en s’installant à Objat en provenance de Charreras. Henri Buffière a aussi une maison, par sa femme (Mouriès), à Arnac-Pompadour. Les Buffière descendraient d’un cadet des comtes de Pierre-de-Buffière qui a perdu son titre de noblesse au XVe siècle en s’installant dans l’agriculture à Charreras.
Puis je me suis rendu à Vars, à quelques kilomètres d’Objat. Au cimetière, j’ai eu la surprise extraordinaire d’y trouver plusieurs tombes Freysselinard, dont, dans la partie centrale et sur la droite, deux caveaux récents, de René Faucon et Marguerite Freysselinard et, un peu plus loin, des Chatras et Freysselinard ; entre ces deux caveaux, se trouve la tombe de Marie Freysselinard, épouse Sanson et, à côté, la tombe de Joseph Freysselinad. D’autres sont plus anciennes, avec des inscriptions en partie effacées, comme celles de Louis Freysselinard ou encore d’Elie Freysselinard (« Ici repose Elie Freysselinard, 16 juin 1863-1er octobre 1917 ») (voir des photos dans les pages qui suivent).
Le nouveau cimetière, qui contient toutes ces tombes, est sur les hauteurs ; l’ancien était situé sur l’actuelle place du centre du village et existait encore en 1938 sur le plan cadastral ; les deux cimetières ont coexisté pendant un siècle.
J’ai demandé ensuite à des villageois si habitaient encore des Freysselinard et on m’a conduit à Alphonse Chatras, veuf de Victorine Freysselinard. Je suis revenu une autre fois à Vars, hébergé chez Alphonse Chatras, qui habitait la maison de Franc, dit François, Freysselinard. Avec lui, nous avons écumé les archives et même les cimetières de Vars et des environs.
J’ai aussi passé quelques jours à Coussac, plus au nord, en Haute-Vienne, où mon trisaïeul, Jean Freysselinard, était marchand de vin et maire au début du siècle. J’y ai rencontré Madame Tournerie [2] , amie de mes grands-parents, dont j’ai vu le fils quelques années après à Vizille (Isère), où il avait été contremaître dans l’usine de mon grand-père Jean Freysselinard. J’ai trouvé aussi sur indication de voisins la maison qu’avait habité Sidonie Paliès, tante de mon grand-père. Le cimetière garde, en entrant à gauche, le grand caveau des Freysselinard de Coussac, surmonté d’une croix, et c’est là qu’y a été enterré Marcel Freysselinard, le grand-père de Michel Winthrop. Le caveau contient les corps d’Anne-Adeline, la jeune fille morte à onze ans de Jean, Jean (maire de Coussac et conseiller d’arrondissement comme le mentionne la plaque) et sa femme, Léon (son fils) et sa femme, Marcel (le fils de ce dernier) et sa femme. Le caveau a donc été établi par Jean Freysselinard, à 43 ans, en l’honneur de sa fille décédée prématurément, mais on ne sait pas où a été enterré son jeune frère, Yriex, mort 17 ans plus tôt. Chaque année, la famille Vaudel-Beyssac le fleurit en souvenir de l’amitié qui liait Marcel Freysselinard à Félicie Lachaud, dite Marie en famille, grand-mère de Brigitte Vaudel. Amis d’enfance et natifs tous les deux de Coussac, ils se rencontraient régulièrement à Lubersac. Michel Winthrop le découvrit en 2006 quand je l’invitai à la maison avec Brigitte Vaudel découverte grâce à Internet et qu’ils n’avaient pas vue depuis 40 ans ! Mes grands-parents ont préféré se faire inhumer, eux, dans la région parisienne, à Ivry (rejoignant ainsi, sans le savoir, Léopold Freysselinard, chauffeur-mécanicien, 1896-1951).
La fontaine érigée au temps de Jean Freysselinard, maire de Coussac-Bonneval au début du XXe siècle, par le maquis de Bonneval, face à la mairie
A Coussac, sur la place du village, où se trouve une belle « lanterne des morts » du XIIe siècle (qui guidait les passants), une fontaine a été posée au début du siècle par le marquis de Coussac, en présence du maire Jean Freysselinard (mon trisaïeul), comme l’indique encore la plaque en partie effacée (« Ces eaux ont été données le 19 juin 1901 par Louis Roger, comte de Bonneval, M. Freysselinard étant maire »). C’est Jean Freysselinard qui avait insisté pour que l’eau du château soit dérivée vers le village, faisant de Coussac la première commune à avoir l’eau potable.
En 1986, Françoise Buffière-Terkemani m’a hébergé une semaine dans la maison Buffière d’Objat et je faisais tous les jours le trajet aux archives départementales de Tulle. Enfin, j’ai passé deux jours intenses en 2001 pour y consulter l’état civil et des archives notariales (actes, répertoires des actes, enregistrement des actes aux bureaux des contributions).
Nous sommes revenus à Vars, Coussac et Freysselines en août 1993 avec Edgardo et Bettina Freysselinard, et, en mai 2001, Enrique Freysselinard, sa femme Isabel, sa fille Álida et son mari Claudio Bocca, ont fait une étape à Vars et à Freysselines lors d’un périple en France. Nous avons aussi loué une maison aux Bourdu-Verlhac en 2009.
Freysselinard peut avoir plusieurs origines.
Les noms ont souvent pour origine un nom de profession (Boucher ; Vacher ; (Au)berger ; Vigne ; Baudelaire, fabricant de sabre ; Sartre, tailleur). Ils peuvent provenir également de prénoms (Pierre, Lamartine,...), ce qui est plus fréquent dans d’autres langues (comme le suffixe ez en espagnol ou es en portugais qui signifie fils de) ou décrivaient l’état d’esprit du porteur (Gautier, joyeux ; Boîteux, qui a bu).
Les noms corréziens provenaient souvent de noms de lieu, comme Chirac. Il peut ainsi s’agir d’un Freysselinard qui, un jour, aurait quitté le hameau de Freysselines pour se rendre à Vars, où l’on trouve les premiers Freysselinard au début du XVIIe siècle. Freysselines est un très joli hameau de quelques maisons, dans le cirque bien connu de Freysselines, dans les Monédières, à côté du point de vue panoramique de Suc-au-May (qui a même trois étoiles dans le guide vert). Ce hameau dépend de la commune de Chaumeil, capitale des Monédières, au-dessus de Corrèze et de Tulle, près du plateau de Millevaches, et donc plus à l’Est que Vars, à 71 km de distance. La région des Monédières a connu dans le passé des dragonnades contre les protestants qui sont restées dans la tradition orale.
El pueblo de Chaumeil
S’y rendre et voir le panneau Freysselines à l’entrée est très émouvant. J’ai consulté à Chaumeil les documents des concessions funéraires et à aux archives départementales l’état civil du début du XVIIe siècle, mais aucun Freysselinard n’y apparaît. L’origine des noms est de toute façon très ancienne.
Près de Freysselines, se trouve le célèbre point de vue de Suc-au-May (908 m.) :
Il existe aussi un Fresselines, sur la D 30, près de Crozant, au sud d’Argenton-sur-Creuse.
Le nom a pu provenir aussi d’un Freysse originaire de Linard. Il existe ainsi un Linard en Creuse, à 200 km de Vars, et un Linards au sud de Châteauneuf, sur la D 16.
Une autre origine, plus simple, peut être la dérivation progressive à partir du nom du frêne, par attraction du nom Linard, que portent plusieurs communes en France et plusieurs familles. Les suffixes étaient en effet communs en occitan, langue de la région. Freysseline a pu se transformer progressivement en Freysselinard. Le nom de Freysseline est encore porté en Corrèze. Un généalogiste a trouvé à Chaumeil un baptême le 16 mars 1590 de Loize Terrade, fille de Pierre et Marie Farge, avec parrain Jéhan Freysselines, notaire royal à la Farge (lieu dit de Saint-Augustin).
Troisième origine possible : on racontait dans notre famille, en France, comme en Argentine chez nos cousins, que le nom provenait d’un Freysse qui avait épousé une Linard. Si cette histoire est vraie, elle remonterait donc au-delà de 1600. Elle peut aussi avoir été imaginée avant 1880 et être partie en Argentine... Nos cousins croyaient donc d’ailleurs fermement que leur nom était d’origine alsacienne, comme le nom Fraysse, courant dans l’est. Etait-ce Louis qui racontait cela ? C’est curieux car il savait bien qu’il venait du Limousin. C’était peut-être par confusion avec Albert Lebrun qui était Lorrain.
Le nom a légèrement varié dans le temps, au hasard de la fantaisie des fonctionnaires :
· Freysilinat en 1678 (il signe ainsi)
· Fraicilinat en 1766, 1770 et 1777 (mais ils ne savent pas écrire)
· Freyssilinard en 1838 (acte notarié de vente à Louis Freysselinard, maçon)
· Freisselinard en 1785, 1791, 1801, 1804, 1806, 1835, 1841 (mais il ne savent pas écrire)
· Fraisselinard en 1866
· Fraysselinard en 1799, 1796 (mais ils ne savent pas écrire), 1902 (l’officier d’état civil l’écrit avec un a, mais les deux signatures portent un e)
· Freselinard, témoin en 1793 (mais il ne sait pas écrire)
· Freysselinas (assez courant, notamment dans plusieurs actes de 1678, 1861)
· Fraysselinard en 1843 (Léonard, témoin à un mariage : il signe Fraysselinard et l’officier d’état civil écrit Fresselinard...) et en 1930 au mariage de Louis (il sait signer mais on ne voit pas la signature : l’agent municipal a écrit bien distinctement le nom avec un a à plusieurs reprises)
· Freyssélinard (Elie Freysselinard signe ainsi à son mariage en 1890 ; le livret militaire de Louis Freysselinard, émigré en Argentine, porte aussi un accent, à cause de la prononciation qui ne comportait pas de e muet dans le sud)
· Freisselinard (acte de mariage de Baptiste Freysselinard, trisaïeul d’Edgardo Freysselinard)
La table décennale des naissances de 1843-1852 comprend ainsi à la suite, sur la même page, trois orthographes différentes pour quatre noms, alors que tous ont les mêmes parents (Baptiste Freysselinard et Françoise Bonnais, les parents du Louis qui est parti en Argentine) ! :
Fraisselinard Jean-Baptiste, 10 janvier 1849
Freisselinard Louis, 10 février 1845
Freisselinard Louis, 15 juillet 1846
Freysselinard Jean, 4 octobre 1850
Mais, d’une part, toutes ces orthographes voisinent avec la bonne orthographe et n’apparaissent donc que de façon irrégulière et, d’autre part, les premiers Freysselinard, qui eux savent écrire leur nom, au XVIIe siècle ont la même orthographe qu’aujourd’hui.
Il existe de nombreux noms proches : Freysselines (une quinzaine habitant tous en Limousin, principalement en Corrèze où apparaissent douze occurrences du nom mais sans s ; les archives de Tulle conservent aussi les actes d’un notaire Freysselines qui a exercé entre 1594 et 1618), Fraysse (surtout en Alsace), Freysse (on en trouve plusieurs dans les tables décennales de Vars des années 1895-1905 et 1932), Freycinet, Frayssinet (acte de Vars de 1833), etc.
Nicole Legaye a pris contact avec moi en 2004, par Internet. Son arrière-grand-mère, Augustine Désirée Bonnaire, avait épousé en secondes noces, en 1928, un Paul Eugène Freysilinas (1888-1953), né à Montmeyran d’Antoine Eugène Freysilinas et de Madeleine Maire Louise Collet. Ils avaient un hôtel à Dardilly, près de Lyon, dont nous avons la photo avec l’orthographe.
Pour l’anecdote, signalons la présence d’une Marie Chirac dans le cimetière de Vars. L'ancien président de la République Jacques Chirac est en effet Corrézien.
[1] Informations tirées pour l’essentiel d’un article de Jean Vinatier (aujourd’hui décédé) paru en avril 1997 dans le numéro 142 de la revue Lemouzi, 13, place municipale, 19000 TULLE.